mercredi 15 février 2012

Pour l'hiver, pourquoi ne pas inviter quelques légumes à l'intérieur ?


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Louise :

Cresson de fontaine.
Charmant, n'est-ce pas ?
Tomates, patates, rutabagas, ail, laitues ou poivrons, ce ne sont tout de même pas des "bêtes d'appartement", me rétorquerez-vous. Et pourquoi pas ? 
Qu'ont-elles de si différent en comparaison avec nos plantes ornementales ? Après tout, ce sont des plantes, et certaines sont même très jolies. 

En fait, la grosse différence, c'est que pour une plante, produire des fruits ou   se faire continuellement grignoter les feuilles demande plus d'énergie que de rester tranquille et d'être simplement belle. Il lui faudra donc plus de tout (engrais, lumière et même parfois chaleur). 


Une grappe de tomates-cerises s'étend paresseusement sur un pot voisin.
Mais il est tout à fait possible, avec un peu plus de soins que pour des plantes ornementales, de cultiver des plantes potagères à l'intérieur. C'est ce que j'ai découvert à l'hiver 2010-2011. Pour les chanceux qui ont un coin très ensoleillé chez eux, il est même possible de n'utiliser que l'éclairage naturel. Je cultive mon potager intérieur avec deux techniques différentes, que je vous présente ici. 

Un jardin suspendu

La première source d'inspiration qui m'a fait envisager la possibilité de cultiver des "légumes d'intérieur", c'est la découverte, en janvier 2011, du site de Windowfarms, qui ne propose rien de moins que de créer un jardin potager hydroponique à la verticale, en profitant d'une fenêtre, tout simplement, et ce, à prix plus qu'abordable.
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Photo publiée avec la permission de Windowfarms.
Voici leur modèle usiné. Mais il existe une version faite maison.
Des bouteilles d'eau ou de boisson gazeuse recyclées,
des petits paniers remplis de billes d'argile pour y installer les plantes,
un peu de tubulure, du fil de métal et des crochets pour suspendre le tout, 
une minuterie et une petite pompe à air (pour les aquariums) pour faire circuler l'eau,
de l'éclairage artificiel (facultatif selon les légumes cultivés et votre situation) et une fenêtre ensoleillée.
Et voilà, vous pouvez vous déclarer " fermier de salon" !


En gros, la culture hydroponique consiste à faire pousser les plantes hors-sol en les cultivant dans un substrat inerte qui remplace le terreau. Ce substrat offre un support physique à la plante; pour ma part, j'utilise des billes d'argile). On irrigue ce substrat avec de l'eau additionnée d'une solution d'engrais (naturel ou chimique, au choix) et dont le pH est équilibré. Enfin, il faut s'assurer de leur procurer une luminosité adéquate. Vous pouvez aller voir ce que dit Wikipédia, entre autres, si vous voulez plus de détails sur l'hydroponie. 


Mon expérience personnelle 

La croissance de mes plantes
a été rapide, au début.
Nous étions en février.
J'ai fabriqué ma première agro-fenêtre en janvier 2011. Elle était très simple, mais pas très jolie, car j'avais trop hâte d'expérimenter ce type de jardinage pour perdre mon temps avec de frivoles considérations esthétiques (eh oui, je peux être pas mal paresseuse, par moments).

Sur cette photo, on voit mes jeunes légumes environ un mois après leur germination.  À l'étage du bas, j'avais installé deux plants de haricots grimpants (ils sont devenus des monstres). 
Au milieu, ce sont deux plants de capucines qui ont trouvé place.
Enfin, au troisième, deux plants de tomates-cerises ("Raisin de Noël" et "piriforme jaune").

Sauf les capucines, ces plantes sont des grugeurs d'espace et après quelques mois de croissance, je n'aurais pas pu ajouter une plante de plus dans cette fenêtre !





Et puis est venu le temps de faire plus sérieux 

Un an après sa construction, mon potager vertical, comme je le surnomme affectueusement,
produit des légumes entièrement organiques que nous pouvons manger tout frais cueillis
tout en regardant les flocons de neige tomber dehors. Et ce, sans aucune lumière artificielle. 

Durant cet hiver-là, j'ai lu presque chaque article archivé sur windowfarms.org 
(ce qui représente beaucoup de lecture). Lorsque je me suis sentie plus sûre de moi, j'ai commencé à travailler sur la conception d'un projet plus ambitieux. 


Mon agro-fenêtre, bâtie à la fin de l'hiver 2010-11.
Elle est faite de pots de porcelaine.
Sur cette photo, elle avait été mise en fonction
depuis quelques semaines à peine.
Mon but était de fabriquer une agro-fenêtre sans plastique, esthétique et ne fonctionnant pas à l'électricité pour le pompage de l'eau.

M'inspirant de tout ce que j'avais lu, j'ai décidé d'utiliser des pots en porcelaine recouverte d'une glaçure, tout comme une simple tasse à café.

Je suis très satisfaite du résultat, même si j'ai encore quelques détails à améliorer quant à la conception et au fonctionnement de mon système.

Mes trois buts principaux sont atteints : mon système d'irrigation est fait de matériaux durables; il fonctionne sans électricité (par gravité seulement) et ne contient que très peu de plastique. (Cet automne, j'ai d'ailleurs remplacé mes réservoirs de plastique par de jolis seaux d'acier galvanisé recouverts de peinture cuite.) De plus, cette construction est vraiment belle (du moins pour mon sens artistique personnel).

Enfin, elle peut accueillir beaucoup plus de plantes, puisqu'elle contient 22 pots en tout. Mais bien sûr, ces plantes doivent être assez petites pour cohabiter, donc choisir des variétés naines devient franchement intéressant. C'est une chose de vouloir faire pousser du persil et des laitues côte à côte, c'en est une autre de semer un plant de citrouille au milieu d'une telle installation !

Mais les possibilités sont quand même surprenantes. Par exemple, pas question d'installer un plant de courgettes, mais j'ai trouvé une variété de concombre vraiment naine, "Space Master", recommandée pour les espaces très restreints (mais qui fait tout de même des tiges de 1 à 1,5 mètres de long). Mon plant a pris tout l'espace du bas de la fenêtre et a eu le temps de me donner... un concombre avant de succomber à cause de mon inexpérience.


Et la culture traditionnelle en pot avec du terreau ?



Ce rutabaga poussait en pot à l'extérieur en compagnie
de deux choux frisés. Je l'ai rentré pour lui permettre de
grossir encore un peu, ce qu'il s'est empressé de faire.
Il a fini dans une soupe, feuilles incluses.

C'est Ray Browning, un jardinier expérimenté du Nord des États-Unis, qui a fait le reste pour me convaincre que c'est tout aussi possible, à l'intérieur de la maison, de cultiver du chou frisé ou un plant de piment. Si vous comprenez un peu l'anglais, allez voir ses vidéos sur YouTube (chaîne Dance in the Sunshine, Praxxus 55712), car ses méthodes de jardinage sont aussi peu orthodoxes que pleines de bon sens, pour le jardinage extérieur comme intérieur. 
Cette étagère usagée m'a coûté 175$ avec les
fluorescents et les plateaux de plastique.
À 40W par tube, je dépense environ 28 cents
d'électricité par jour pour 16 heures d'éclairage.
Cette installation me donne
 24 pieds carrés de surface à jardiner.










Par la suite, Marie-Claire a déniché pour moi une étagère avec système d'éclairage artificiel pour culture intérieure. Elle vient d'une dame de Montréal qui cultivait à domicile des violettes africaines pour les vendre.
Et je suis donc repartie l'automne dernier pour une autre aventure jardinière ! J'ai commencé par installer mes plantes potagères les plus basses dans ce module à trois tablettes. Thym et fraises (qui ont fini par mourir), menthe qui pousse bien, chou frisé, jeunes plants d'aubergine et de poivron (qui en arrachent), oignons, ail, soucis et romarin (qui s'en sortent très bien), origan, tomates et rutabaga qui prospèrent. J'ai complété par quelques plantes ornementales et je viens de semer des plants de fraise-épinard. 
Le fait de rentrer des plants de l'extérieur m'a amené des insectes, dont je me suis débarrassée, et des pucerons qui font encore une peu de ravage dans les soucis, surtout.
Mais j'aurais pu m'éviter ce trouble en utilisant du terreau neuf stérilisé et en faisant de nouveaux semis intérieurs.


Un peu plus tard, j'ai installé deux autres luminaires fluorescents sur des supports fabriqués maison, chaque luminaire est placé de part et d'autre d'une fenêtre de toit orientée à l'ouest. Tout ce système accueille encore plus de plantes venant de l'extérieur. 

Nous pouvons manger occasionnellement des aubergines, des poivrons, de l'oseille, des feuilles de chou frisé, de chou-fleur, de brocoli et de pélargonium (eh oui, c'est comestible !). J'ai aussi un ou deux jeunes plants de tomates qui commencent à peine à prendre de l'expansion et des pommes de terre qui ont commencé à produire des tiges et du feuillage. Un autre plant de tomates, démarré à partir d'une toute petite bouture, a commencé à produire des fleurs. Je viens d'enterrer des tubercules de topinambour dans un gros pot, avec l'intention de les mettre dehors ce printemps (toujours en pot, car c'est une plante parfois très envahissante et quasi impossible à enrayer et je ne sais pas trop où la mettre pour ne pas le regretter plus tard). 

Quelques plantes ornementales complètent le tout, dont un plant d'héliotrope, qui tous les soirs, exhale son parfum de vanille caractéristique.



Mon installation sous une fenêtre de toit du grenier, vue de côté.
Mes deux luminaires fluorescents m'ont coûté 35$ chacun et j'ai utilisé des rebuts de bois
pour monter les structures de soutien. J'ai aussi recyclé quelques miroirs
pour multiplier la lumière, mais du papier aluminium aurait aussi bien fait l'affaire.
J'ai aussi acheté deux appliques murales pour 5$. Je compte les fixer aux montants
de bois pour mieux éclairer les plantes les plus éloignées de la fenêtre.


Une autre vue de mon installation du grenier. Remarquez les petits poivrons oranges 
sur la plante verte de droite.  Les deux gros plants de gauche sont des aubergines.

Mes plantes du grenier sont moins vigoureuses que celles en hydroponie, mais elles ont eu à s'acclimater à l'intérieur et elles aussi étaient accompagnées de quelques insectes qui leur ont fait du dommage. 


Un tout petit poivron... mais tout frais, tout délicieux !




Une aubergine prête à être cueillie. 
Sa petite soeur, à gauche, aura besoin d'un peu de temps pour mûrir à son tour.
En rentrant deux plants d'aubergine pour les sauver du gel automnal,
j'ai ainsi réchappé une douzaine de fruits.

En conclusion

La culture à l'intérieur en plein hiver ne bat pas celle extérieure en été, mais tout de même, je trouve qu'entre les germinations à la cuisine et les légumes d'été congelés, séchés ou apprêtés d'une façon ou d'une autre, l'apport ponctuel de verdure, de fines herbes et de légumes frais nous procure beaucoup de satisfaction gustative.
En plus, je peux continuer de jardiner au beau milieu de l'hiver !

Et puis, je n'essaierai même pas de le nier : le simple fait que les produits viennent de chez moi modifie les perceptions ressenties par mes papilles gustatives et tout me semble oh, combien meilleur !


Abondance de mi-janvier.
Les oeufs me viennent d'une collègue de travail qui élève des poules.
J'en reçois encore une douzaine de temps en temps en échange de divisions de vivaces 
que j'avais en trop, le printemps dernier.
Mes légumes d'intérieur, de gauche à droite :
tiges de cresson, d'ail, de romarin, de menthe, d'oseille et de chou frisé;
thym séché plus bas; feuilles de rutabaga dans l'assiette blanche;
mini-poivrons Doe Hill, tomates-cerises Red Robin et aubergine Slim Jim. 


J'ai cuisiné cette belle omelette avec les ingrédients qu'on voit sur la photo précédente, 
plus du jambon provenant du demi-porc que j'ai acheté d'un producteur local, 
de l'huile d'olive, du sel et du poivre. Le zucchini et les patates viennent de l'épicerie,
mais mon ketchup aux fruits est composé en grande partie d'ingrédients 
que j'ai moi-même récoltés l'été dernier.


Note : j'ai finalement publié un article plus détaillé en juillet 2013, intitulé : Mon agro-fenêtre ou comment remplacer vos rideaux par des légumes. Bonne lecture !